LA LECON DE TRAITE
Aujourd'hui il pleut, un vrai déluge. Le feu d'artifice du 14 juillet a eu de la chance. Mais j'ai fait comme Pahi, je l'ai regardé de ma fenêtre. Pour tenir compagnie à mes petits "quatre pattes" qui sont terrifiés par le bruit, en particulier celui des fusées et des pétards.
Je mets un peu d'ordre dans mes photos. Celle de ces vaches paisibles qui paissent dans leur pré me donne un prétexte pour vous raconter une petite anecdote de mon enfance.
Ma soeur cadette et moi-même, âgées de 7 et de 10 ans, nous étions toujours fourrées à la ferme voisine. La fermière une personne joviale, nous accueillait toujours avec gentillesse quand nous allions chercher notre lait dans un pot en fer blanc.
Il fallait entrer dans l'étable, dont l'odeur était si forte qu'elle nous arrachait des quintes de toux. Honte à nous ! Un mouchoir sur le nez, nous résistions de notre mieux. C'était l'heure de la traite. Nous regardions le lait qui moussait dans le seau, que la fermière vidait ensuite dans de grands pots en grès, les "berthes".
— Vous voulez essayer de traire, les "gones" ? nous proposa-t-elle un soir.
On voulait bien. Hélas, les trayons glissaient dans nos petites mains comme s'ils étaient savonnés, et les coups de queue se succédaient, menaçant de nous pocher un oeil.
— "Ce que vous pouvez être "gnoches", mes pauvres filles, compatit la fermère.
Qui voudrait être traité de "gnoches" ? (On prononçait gnioques.) Car cela signifiait en parler régional : pas dégourdi, empoté.
Nous avons fui de l'étable, en riant jaune. Un peu mortifiées de ne pas avoir réussi à tirer une seule goutte de lait de ces énormes pis gonflés.